C’est à une fête infinie que nous invitent les plus humbles choses – les fruits comme les pierres, les herbes comme les astres et il nous faut, pour en jouir, apprendre ce toucher immédiat de l’esprit dont les peintres ont le privilège.
Christian Bobin
Encore un matin ordinaire…
Je me lève, il est très tôt, tout semble enveloppé d’un grand silence, un silence presque palpable, qui fait le lien entre le jour et la nuit, entre mon corps et l’espace où je me trouve.
Je vais à la cuisine pour me faire un café, à côté de l’évier se trouve l’égouttoir avec, comme toujours, la vaisselle qui sèche en permanence, mais là… je la vois et je suis saisie, je me retrouve immobile à regarder ce tableau ! Il n’y a ni ordre ni méthode dans la façon dont la vaisselle est disposée, les bols de toute taille et de tout âge se mélangent et côtoient une tasse que l’on m’a offerte il y a bien longtemps, un verre à pied qui a beaucoup voyagé, et même le récipient en plastique dans lequel ma voisine m’a apporté deux œufs hier soir.
Rien d’artistique, rien de prévu mais, ce matin, il m’est donné de voir là un chaos harmonieux et espiègle qui me remplit de joie.
La joie est la matière la plus rare du monde. Elle n’a rien à voir avec l’euphorie, l’optimisme ou l’enthousiasme. Elle n’est pas un sentiment. Tous nos sentiments sont soupçonnables. La joie ne vient pas du dedans, elle surgit du dehors, une chose de rien, circulante, aérienne, volante.
Christian Bobin