« Au cœur de notre vie si fragile, partout menacée par la destruction, il existe en nous, en amont de chaque dérive temporelle, un lieu lumineux de la toute-confiance. De ce lieu intime émane une clarté qui, à partir du centre secret de notre âme incarnée, pénètre, soulève et guide vers l’avenir, en dépit de tous les obstacles de la vie présente, le moi chancelant dont nous nous faisons le porte-parole doublement précaire. Nous y buvons ensemble, comme à une source de vie cachée, le souffle du futur infini : par-delà tout le mal et plus haut que la nuit. »
Claude Vigée. Danser sur l’abîme
Ariane est atteinte d’une grave maladie neurodégénérative depuis plusieurs années. Bien sûr elle ne joue plus, son autonomie se réduit de jour en jour, elle ne parle plus qu’avec un filet de voix, sans réussir à articuler vraiment. Cette femme avait une énergie incroyable, elle était libre, rayonnante, pleine de vie, et son jeu, si expressif, était d’un lyrisme qui allait droit au cœur.
Cette maladie peut paraître injuste et inacceptable, il m’arrive encore de penser que je vais me réveiller d’un mauvais rêve. Et pourtant, je vous assure que son être profond est en bonne santé – ce que j’appelle la « grande santé » – et que derrière l’apparence d’un corps si diminué sa lumière brille, intacte, inaltérée.
C’est ce « lieu lumineux de la toute-confiance » dont parle Claude Vigée.
J’ai joué plus de trente ans avec Ariane, dans une complicité rare, avec ferveur et jubilation. J’en ai bien sûr une profonde nostalgie, mais aussi une grande gratitude.
Dans ce lieu de toute-confiance, où le temps et l’espace n’existent pas, la musique continue de résonner et de rayonner, et dans l’invisible nos âmes ne cesseront jamais de chanter et danser ensemble.