« L’important n’est pas que je porte le flambeau jusqu’au bout, mais que je ne le laisse pas s’éteindre. »
Christiane Singer
Caterina, une amie italienne qui m’est très chère, m’envoie il y a quelques temps les photos d’un concert que j’ai fait avec trois autres musiciens en Italie en avril 2022, en hommage à Ariane Maurette. Ariane a vécu sept ans en Toscane, quand elle est arrivée elle jouait encore la viole mais, petit à petit, elle a perdu l’usage de son corps et une maladie neuro-dégénérative rare a été diagnostiquée.
Je suis allée très souvent en Italie, et les nombreux amis d’Ariane sont devenus mes amis. J’ai trouvé là des personnes qui m’ont accueillie à bras ouverts, des personnes d’une grande générosité, qui savent faire de chaque moment une fête. Des gens vivants, toujours disponibles, avec qui l’on peut partager la tristesse et la joie.
Ce soir-là, l’église de San Pancrazio était pleine. J’ai eu la joie de revoir Jill Feldmann, qui vit en Italie près de Rome, qui avait fait la route pour Ariane. Jill, une chanteuse merveilleuse que je n’avais pas vue depuis au moins trente ans, qui a ravivé en moi les souvenirs de mes débuts à Paris.
Nous avons joué pour Ariane, et pour tous ces gens réunis autour d’elle. Ce concert a été un moment rare, d’une grande intensité.
Pour moi qui ai joué plus de trente ans avec Ariane, c’était un instant de musique pleinement ancré dans le présent, avec toute l’expression de la musicienne, de la femme que je suis. C’était aussi un don de transmission, comme s’il m’était demandé de poursuivre tout ce que nous avons partagé dans notre vie de musiciennes. Et, clin d’œil de la vie, je jouais sur la viole d’Ariane, Lachesis, qui est celle des trois Parques qui déroule le fil en cours de vie.
Beaucoup d’émotion bien sûr, mais dans la joie de la beauté partagée encore et encore grâce à la musique.
« Et voilà que la mémoire me revient. La vraie mémoire. Celle qui ne me tire plus en arrière mais me met debout dans l’instant. Elle monte de très loin comme un appel à moi adressé, et m’enracine dans l’au-delà du désespoir, dans la certitude des certitudes. Inaltérable est la noblesse d’âme. Inaltérable est ce qui vibre à la plus haute fréquence de l’amour ! Cet espace existe. Bien au-delà de toute espérance, les cœurs continuent d’y battre et d’y perpétuer le code secret de la résurrection. Ne cherche plus au tombeau ceux qui vivent. Ne t’attarde pas au constat de la haine et de la destruction. Ose voir qu’aux forêts de la mémoire, l’incendie de l’amour fait rage. » Christiane Singer