« L’eau du ciel me met en joie et la joie, d’où qu’elle vienne, je la prends toute »
Christian Bobin
Dimanche matin, il pleut. Je sors, je marche sous la pluie, je suis bien. Dans la rue, peu de monde, mais les visages que je croise expriment la plainte, le mécontentement, beaucoup de grimaces, de fronts plissés, de soupirs aussi : « Quel temps de chien ! »
Mais qui a décidé que pluie rimait avec mauvais temps ?
Et, juste pour vous dire, les chiens, eux, n’ont guère de commentaires sur la pluie, la promenade est tout aussi belle, les odeurs se transforment avec l’eau, mes pattes et mon poil sont mouillés, et alors ?
Et si nous essayions nous aussi de faire taire ce qui se dit en nous ?
J’aime la pluie, mais j’aime aussi le soleil, il ne s’agit pas pour moi d’aimer ou de ne pas aimer, mais de voir les choses d’un autre lieu, de faire corps (et non tête) avec ce que la météo (la sacro-sainte météo !) me propose.
Et aussi, peut-être, de penser à toute cette partie du vivant qui souffre de sécheresse, à tous ces humains, ces animaux, ces végétaux qui meurent de soif.
Bénissons la pluie, bénissons l’eau que nous buvons, avec laquelle nous nous lavons, remercions aussi d’avoir un toit, de pouvoir nous sécher et boire un thé en regardant la pluie par la fenêtre. Car, oui, nous avons perdu la capacité d’être sous la pluie sans protection et, pour nous qui avons le choix, tâchons de rester présents à ces cadeaux.
« Et si je pouvais faire coïncider l’eau en moi avec le grand cycle des marées, la mémoire des déluges, le reflux de mon contexte ? Pourrais-je cultiver la foi que la pluie reviendra quand j’en aurai besoin ?
Et si l’eau était capable de se souvenir de nous bien mieux que les fils d’actualité qui nous oublient ? Je peux synchroniser ma renaissance à l’eau au-dedans de toi, au déluge de ton visage, à la sécheresse de ta gorge, au secret que tu gardes. Je crois en ton futur et à ses flux. Je crois en la pluie. »
Alexis Pauline Gumbs, Non-noyées







