Ce matin, Lumière fait son yoga sur mon piano, elle excelle dans la posture du chat ! Elle aime se mettre sur mon piano pour la pratiquer.
Mon piano a une histoire. Tout d’abord parce que c’est le piano sur lequel j’ai joué petite, et même avec assiduité jusqu’à 19 ans. C’est un piano qui appartenait à ma grand-mère, qui en a joué un peu dans sa jeunesse, et sur lequel ma mère a aussi joué lorsqu’elle était petite.
Quand il était chez ma grand-mère, au fond d’une pièce sombre et remplie de meubles, il m’impressionnait par sa taille, ses bougies et son odeur de renfermé et de poussière, à cette époque plus personne ne s’en servait et quand j’ouvrais le couvercle du clavier pour jouer quelques notes c’était toute une vieille histoire qui s’en dégageait.
Un jour j’ai choisi la musique – à vrai dire je l’ai choisie à la naissance ! – mais à sept ans j’ai demandé à prendre des cours.
Le piano a donc déménagé et est devenu mon piano. Alors son odeur de poussière et de renfermé s’est transformée en musique, en notes, en gammes, en petits morceaux qui fleurissaient sous mes doigts.
Les bougies me ravissaient, dans leurs bougeoirs en laiton que l’on pouvait incliner selon l’intensité de lumière désirée.
Et puis, un jour, j’ai eu envie d’ouvrir le couvercle, celui du haut, pour voir comment se fabriquait la musique que je jouais.
Incroyable ! Un médaillon représentant la tête de Franz Liszt avait été incorporé au châssis. Un médaillon doré, où l’on voyait le beau visage tourmenté de Liszt.
Il faut dire que j’avais une histoire avec Liszt, comme une relation secrète… Mes parents me faisaient écouter depuis toute petite des disques vinyles sur la vie des compositeurs célèbres. Bach, Mozart, Beethoven bien sûr, mais aussi Liszt pour qui j’éprouvai immédiatement une grande passion. Cet homme, sa vie, sa musique sur laquelle je dansais des heures durant… A tel point que je me suis fait la promesse « Je veux être Liszt ».
Alors bien sûr, en découvrant sa tête dans mon piano, j’étais sûre que cet instrument lui avait appartenu, que cet immense musicien l’avait fait chanter, vibrer, avec toute la fougue qui l’habitait.
Je ne suis pas devenue Liszt, mais je crois toujours à cette histoire. Aujourd’hui mon piano est chez moi à Paris, après un long voyage de Suisse. Je ne le joue pas souvent mais j’aime sa présence à la fois imposante et rassurante. Il m’arrive d’allumer les bougies, en hommage à ce compositeur qui, par son histoire et son âme, a été à la source de ma vie de musicienne.
Et je me dis qu’il doit aimer que Lumière fasse son yoga juste au-dessus de lui !